justice ou injustice ?


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Voir aussi :
- Un résumé des attendus (format PDF)
- La notion de faute lourde
- Une étude de la cour de Cassation











































 

L'état condamné pour faute lourde

La ténacité des familles a abouti à la condamnation de l’Etat français pour faute lourde du service de la justice en janvier 2005. Le jugement est très sévère et met en cause le fonctionnement de la justice. Même si des indemnités ont été versées aux familles des disparus, la condamnation de l’Etat n’est pas une fin en soi. Il faut en tirer les enseignements pour améliorer notre système judiciaire. Or, rien n’a été fait depuis janvier 2005. Quelques jours après la condamnation de l’état, Dominique Perben avait écrit : « il ne m‘apparaît pas nécessaire qu’une nouvelle enquête soit diligentée ».

Son successeur au ministère, Pascal Clément, qui n'a pas l'intention d'agir davantage, n'a même pas eu le courage politique de répondre formellement aux familles des victimes ?

Les responsables du ministère connaissent tous les éléments du dossier. Les attendus du jugement de condamnation de l’Etat pour faute lourde (TGI de Paris, 26 janvier 2005) sont suffisamment sévères pour justifier cette demande d’enquête.

Les conclusions de jugement montrent surtout, qu’au-delà de fautes ou d’incompétences individuelles, il y a des dysfonctionnements plus globaux qui devraient être analysés pour corriger les défauts du fonctionnement de la justice française. C’est particulièrement vrai pour le cas de séries criminelles comme l’affaire des disparus de Mourmelon ou plus récemment l’affaire Fourniret : notre justice n’est absolument pas préparée à ce type de crimes.

Faudra-t-il attendre qu’un nouveau drame judiciaire survienne pour que le ministre de la justice ou les députés acceptent de tirer les enseignements de cette affaire ?



Un jugement très sévère : résumé des attendus

Le texte suivant est une série d'extraits des attendus du jugement du 26/01/2005 (Tribunal de Grande Instance de Paris) condamnant l’Etat pour faute lourde :

« L’examen des pièces produites au débat, comme plus largement la lecture du dossier criminel concernant Pierre CHANAL, montre que de nombreuses fautes ont été commises par les différents services qui ont eu à en connaître. »

« Force est de constater qu’hormis le travail considérable accompli par le juge Pascal Chapart à partir de 2001 à Châlons-en-Champagne, de nombreuses erreurs et de graves négligences ont été commises. » « Il est en effet constant que des pièces de procédure et des scellés ont été égarés. »

« Le prélèvement de tissu opéré sur un drap saisi dans le véhicule de Pierre CHANAL pour qu’il soit procédé à une comparaison d’ADN a ensuite été détruit. » « Le juge Marien n’a pas hésité à confier à un expert très contesté une contre-expertise concernant la terre retrouvée sur une pelle ayant servi à Pierre CHANAL dans ses activités criminelles, cette expertise ayant été réalisée sans scellés puisque ceux-ci n’avaient pas été retrouvés ni au demeurant recherchés. » « Ce n’est qu’en 1999 que l’on a prélevé et que l’on s’est avisé d’exploiter efficacement l’ADN de deux des disparus dans le camping-car de l’adjudant-chef CHANAL. » « Après avoir demandé à deux experts de dire si les cheveux découverts dans le véhicule de Pierre CHANAL étaient susceptibles d’appartenir à l’un ou l’autre des disparus, le juge d’instruction a cessé toute investigation dans l’attente de ce résultat qui lui est parvenu trois ans plus tard sans que les experts aient été relancés, alors qu’ils auraient dû déposer leur rapport le 15 septembre 1990 ».

« Cette déperdition des pièces et ce dépérissement des preuves ont eu pour conséquence d’empêcher parfois irrémédiablement l’exploitation de certains indices. » « Il apparaît encore que les nombreux juges d’instruction en charge successive des différents dossiers ont négligé plusieurs éléments de comparaison immédiatement évidents et n’ont pas étayé les éléments dont ils disposaient. » « Le manque de coordination initial entre les différents services ne fera que se confirmer au fur et à mesure des disparitions de militaires et d’auto-stoppeurs dans le tristement fameux triangle de la Marne. »

« Le caractère particulièrement tardif de la jonction entre les différentes procédures de disparitions inquiétantes et celles concernant directement Pierre CHANAL - laquelle jonction aurait pu intervenir en 1985, à l’occasion de la première ouverture d’information criminelle, ou en tout cas en 1988, au moment où l’intéressé a été arrêté à MÂCON puis jugé pour viol, attentat à la pudeur et séquestration sur la personne de Paläzs FALVAY -, a été grave de conséquences. » « Elle a, en effet, privé les enquêteurs et magistrats en charge des différentes plaintes de l’éclairage qu’aurait pu apporter un regroupement de toutes les procédures. » « On doit notamment déplorer qu’il ait fallu attendre le 24 janvier 1996, soit près de huit ans après l’arrestation de Pierre CHANAL et neuf ans près la découverte du corps de Trevor O’KEEFFE, pour voir le dossier d’information judiciaire le concernant être instruit, comme les autres dossiers, par le même magistrat instructeur. »

« Le fait, de la part des services de police et de gendarmerie concernés, de n’avoir effectué aucune recherche sérieuse, même non concertée, est constitutif d’une faute. » « Il résulte des éléments produits aux débats que les démarches périodiquement effectuées par les familles des victimes auprès des services de police et de gendarmerie pour tenter d’obtenir que de nouvelles investigations soient lancées - l’hypothèse de la désertion perdant toute pertinence au fur et à mesure que le temps passait -, n’ont suscité aucun intérêt de la part de ces autorités.

Qu’aucune recherche sérieuse n’a été effectuée pendant vingt à vingt-six ans - selon les cas - auprès des familles, des camarades de chambre des prétendus déserteurs, ni auprès des appelés de leurs régiments respectifs, ni même de leurs supérieurs. »

« Ainsi, l’officier de police judiciaire de Neuilly-sur-Marne chargé par le Parquet d’instruire en 1994 une nouvelle plainte de Madame TACCHINI relative à la disparition de son fils en 1977, a clôturé son enquête dans les termes suivants : “Madame TACCHINI souhaite qu’une enquête approfondie soit menée afin de connaître les circonstances exactes de la disparition de son fils dont la «désertion» ne lui semble plus être la vraie raison. Cependant, les investigations menées dans le cadre de la présente procédure ne nous permettent pas d’obtenir d’éléments nouveaux concernant TACCHINI Aldo dont la disparition peut, effectivement, apparaître suspecte” (procès-verbal de renseignement judiciaire n/ 357/94 du 5 juillet 1994). »

« Loin d’obtenir le complément d’enquête sollicité et espéré, la famille TACCHINI - qui avait déjà été assurée, dès 1983, par les services du Ministre de la Défense, qu’il allait être procédé à une intensification des recherches de son fils, sans que cette affirmation connaisse la moindre traduction policière - s’est trouvée, comme d’autres parents de victimes, dans la situation accablante et humiliante de recevoir des mandats d’arrêt et des jugements rendus par le tribunal aux armées condamnant leurs fils à des peines d’emprisonnement ferme ou d’amende pour désertion. »

« Que les mêmes autorités se sont dispensées de tout travail de rapprochement entre les situations qui leur étaient soumises et celle d’autres jeunes disparus dans le même secteur géographique, alors même que depuis plusieurs années, il était impossible d’ignorer l’existence d’une information judiciaire concernant l’affaire dite des Disparus de Mourmelon dans une juridiction voisine. »

« Si les enquêteurs avaient recherché, sur l’ensemble du territoire national, les cas de désertion n’ayant donné lieu, après plusieurs années, à aucune nouvelle de la part des familles, ils auraient nécessairement mis à jour les dossiers de Michel GIANNINI et d’Aldo TACCHINI. » « Empêchant l’élucidation dans un délai acceptable des premiers enlèvements de militaires dans l’est de la France, les différentes fautes et omissions commises dès l’origine ont nui à la cohérence du dossier et à la recherche efficace de la vérité judiciaire. »

« Certaines erreurs ou omissions de différents juges d’instruction comme plus généralement des enquêteurs, n’auraient pas eu des conséquences aussi fâcheuses si ces différents acteurs de la procédure criminelle avaient été sensibles aux déclarations des familles des victimes et avaient donné suite avec davantage d’empressement aux demandes d’actes formées, fût-ce tardivement, par des parties civiles. »

« En définitive, que la série de fautes ci-dessus rappelée, en ce qu’elle a ralenti l’instruction des différentes affaires de disparitions inquiétantes, mais aussi en ce qu’elle a contribué à ce que demeurent inconnues les circonstances de l’enlèvement et du décès de plusieurs victimes, enfin, en ce qu’elle a retardé et finalement empêché - du fait du suicide de Pierre CHANAL - la comparution de ce dernier devant ses juges, traduit l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. »

« Les faits invoqués caractérisent, en outre, un déni de justice, au regard de la longueur inacceptable d’une procédure qui n’a au demeurant jamais pu aboutir du fait du suicide de Pierre CHANAL ; Qu’ainsi, il a fallu cinq ans pour enregistrer la disparition de Manuel CARVALHO, cinq années pour mettre CHANAL en examen à la suite de son arrestation, trois années entre le jour de la réalisation des prises de sang aux fins d'expertises ADN et le résultat de ces expertises sur les cheveux et poils saisis dans le véhicule de l’intéressé et huit années avant l'identification des scellés et l'exploitation des cheveux et poils saisis, trois années entre la date de dépôt du rapport des experts ADN et l'ordonnance de règlement du dossier par le Parquet, treize années entre le jour de l'arrestation de Pierre CHANAL et l'ordonnance de règlement, plus de quinze années entre son arrestation et la tentative de jugement, et, en définitive, plus de vingt-six ans entre la première disparition et le renvoi de CHANAL devant la cour d’assises. »

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www.disparusdemourmelon.org