justice ou injustice ?


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Questions de droit :

Nous tentons ici d'expliquer quelques notions et points de droit, soit à partir de dictionnaires spécialisés soit à partir d'explications de professionnels. Le but est de rendre compréhensible par tous un vocabulaire souvent réservé aux initiés.


(certaines définitions sont adaptées du "Dictionnaire de Droit Criminel" du Professeur Jean-Paul DOUCET)





Action publique :

L’action publique est une action en justice qui s’appuie sur des faits que l’accusation tient pour délictueux, qui vise une personne impliquée dans ces faits, et qui tend au prononcé d’une peine ou d’une mesure de sécurité publique (art. 1 C. pr. pén.).

  • Garraud (Traité de l’instruction criminelle) : On appelle action pénale ou publique, le recours à l’autorité judiciaire exercé, au nom et dans l’intérêt de la société, pour arriver à la constatation du fait punissable, à la démonstration de la culpabilité de l’auteur et à l’application des peines établies par la loi… On dit « pénale », pour la distinguer de l’action civile ; publique, pour marquer son caractère le plus saillant qui est d’être exercée dans l’intérêt de tous, de ne pas être une action privée.

  • Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’action publique peut être définie comme l’activité procédurale exercée au nom de la société par le ministère public, pour faire constater par le juge compétent le fait punissable, établir la culpabilité du délinquant et obtenir le prononcé de la sanction établie par la loi.

Exercice de l’action publique : le ministère public, partie principale de l’action publique, assure son exercice tout au long du procès. C’est lui qui décide de l’Opportunité des poursuites, c’est à lui que revient le déclenchement des poursuites (parfois en concurrence avec la Partie civile).

Extinction de l’action publique : l’action publique s’éteint normalement quand les poursuites ont abouti à une décision judiciaire définitive, par l’effet de l’autorité de la chose jugée. Mais elle s’éteint également par l’amnistie, le décès du délinquant, la prescription, le retrait de la plainte, la transaction. Elle ne saurait en revanche disparaître du seul fait du repentir actif de l’agent ou du pardon de la victime, ni même par une grâce présidentielle qui intervient nécessairement après condamnation. Elle survit également à l’extinction de l’Action civile.



Assassinat :

Variété de l’homicide, et plus précisément du meurtre, l’assassinat résulte d’un acte qui, non seulement est perpétré avec l’intention d’ôter la vie d’autrui, mais encore est aggravé par la circonstance de Préméditation. Ce crime majeur est sanctionné par l’art. 221-3 C.pén. (ancien art. 296).



Décès du prévenu :

Si dans notre Ancien droit il était de principe que le décès d’un prévenu mettait fin aux poursuites, on dérogeait à cette règle pour les crimes majeurs. De nos jours, on n’admet plus cette exception.

  • De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Les poursuites criminelles sont toujours éteintes par la mort du criminel, s’il est décédé avant sa condamnation ; et même quoiqu’il ait été condamné si, s’étant porté appelant, il meurt pendant l’appel… Il faut néanmoins excepter certains crimes comme le crime de lèse-Majesté.

  • Muyart de Vouglans (Instruction criminelle), modèle d’arrêt contre un Cadavre ci-présent :
    Nous avons ledit Défunt… déclaré dûment atteint et convaincu de s’être défait et homicidé soi-même, s’étant donné un coup de pistolet dans la tête, dont il est mort ; pour réparation de quoi, condamnons sa mémoire à perpétuité ; et sera le cadavre dudit défunt attaché par l’exécuteur de la Haute-Justice, au derrière d’une charrette, et traîné sur une claie la tête en bas, et la face contre terre, par les rues de cette ville jusqu’à la place de … où il sera pendu par les pieds à une potence ; et après qu’il y aura demeuré vingt-quatre heures, jeté à la Voirie ; déclarons tous et chacun de ses biens confisqués.

  • Max Linder, le célèbre comédien, a tué sa femme le 1er novembre 1925. Comme il s’est suicidé aussitôt après, l’action publique s’est immédiatement éteinte.

En droit positif, le décès de l’auteur supposé d’un acte délictueux met fin à l’action publique, du moins en ce qui le concerne (art. 6 C.pr.pén.).

  • Code pénal autrichien de 1852, § 527 : La mort du coupable met fin à toutes poursuites, et si un jugement a déjà été rendu, aux effets de celui-ci, à l’exception toutefois de ses effets civils.

  • Cass. crim. 21 janvier 1969 (Bull.crim. n° 37 p.85) sommaire : Lorsque le prévenu, demandeur en cassation, décède avant le jour de l’audience, la Cour de cassation déclare l’action publique éteinte.

  • Cass. crim. 21 avril 1815 (S. 1815 I 311), sommaire : La mort de celui qui est poursuivi comme l’auteur d’un crime n’éteint pas l’action publique contre ses complices.

Mais, s’il y a déjà eu une décision au fond rendu dans cette affaire, la juridiction répressive demeure compétente pour statuer sur les intérêts civils :

  • Code de procédure pénale espagnol, art 115. - L’action pénale s’éteint par la mort du coupable; mais dans ce cas l’action civile subsiste contre les héritiers et ayants cause de celui-ci, en ne pouvant s’exercer que devant la juridiction civile et par la voie civile.

  • Cass. crim. 3 février 1965 (Bull.crim. n°32 p.69) : L’action civile en réparation du dommage survit à l’action publique lorsqu’une décision est intervenue devant la juridiction pénale avant le décès du prévenu.

L’affaire dite des « Disparus de Mourmelon » invite à s’interroger sur le point de savoir si, pour le cas de crime d’homicide, il ne conviendrait pas d’établir une procédure permettant à la Justice de faire le point sur l’état du dossier afin d’éviter les spéculations à venir.
Affaire des « Disparus de Mourmelon » (Le Figaro 16 octobre 2003) : le procès de Pierre Chanal, suspecté d’avoir assassiné six jeunes gens à proximité du camp militaire de Mourmelon, avait commencé le 14 octobre 2003. Dans la nuit du 14 au 15 octobre, à 0 h.38, l’un des trois policiers chargés de surveiller Chanal à travers la vitre sans tain de sa chambre est intrigué par sa posture : il a la tête penchée en arrière de manière anormale pour un homme endormi… À l’aide de deux petites lames de rasoir jetable, retrouvées entre ses jambes, il s’est ouvert l’artère fémorale gauche (Une coupure nette de deux centimètres de largeur). À 0 h.47, un médecin constate le décès… À la réouverture des débats, le 15 octobre, l’avocat général Pascal Chaux se lève : « Le certificat médical constate le décès de M. Pierre Chanal qui s’est volontairement donné la mort. L’action publique est éteinte ».



Faute lourde :

Une faute lourde est caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice et cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice.

Pour en savoir plus sur la faute lourde:



Homicide :

Dans un sens large, l’homicide se définit comme le fait de causer la mort d’un être humain. Le fait de se tuer soi-même constitue un Suicide. Le fait de tuer autrui peut constituer un homicide par imprudence, un homicide volontaire (Coups et blessures volontaires ayant causé la mort sans intention de la causer) ou un homicide intentionnel (Meurtre).



Meurtre :

Le meurtre est un acte de violence envers autrui, perpétré avec l’intention de causer sa mort, et ayant produit ce résultat. C’est le Délit de base autour duquel gravitent les diverses incriminations protégeant la vie humaine, il est incriminé par l’art. 221-1 C.pén. (art. 295 ancien).

  • Vittrant (Théologie morale) : Le meurtre consiste dans le fait de donner la mort à un être humain, accompli d’autorité privée, par quelqu’un qui volontairement recherche cette mort, comme fin ou comme moyen, en dehors du cas de légitime défense contre une violence physique actuelle.

  • Garçon (Code pénal annoté) : Les éléments constitutifs du meurtre sont au nombre de trois : un acte matériel de nature à donner la mort, la personnalité humaine de la victime, l’intention chez l’auteur de cet acte matériel de donner la mort.

  • Cass.crim. 15 mai 1946 (Gaz.Pal. 1946 I 237) a défini le meurtre comme l’atteinte intentionnellement portée à la vie d’une personne humaine.



Présomption d'innocence :

La plupart des pays de l'Europe démocratique reconnaissent le principe de la présomption d'innocence même si celui-ci est mieux garanti dans les pays de tradition anglo-saxonne. La règle figure dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 et dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques, signé à New York le 19 décembre 1966, dont la France est signataire et qui est directement applicable devant les juridictions françaises en vertu de l'article 55 de notre Constitution.

En France, ce principe est affirmé par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ("tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable..."). La présomption d'innocence a été expressément consacrée en droit interne français, depuis la loi du 15 juin 2000, dite loi Guigou, à l'article préliminaire du code de procédure pénale.
De même il est également affirmé par l'article 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dit que "toute personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie".
Le mot légalement est important puisque la présomption d'innocence demeurera si la preuve de la culpabilité de l'accusé a été obtenue de façon déloyale ou faussée.


Selon le Professeur Jean-Paul DOUCET ("Dictionnaire de Droit Criminel") : le principe de la présomption d’innocence, consacré par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, signifie que toute personne qui se voit reprocher une infraction est réputée sans tache, tant que sa culpabilité n’a pas été légalement et définitivement établie.

- Aspect procédural : par voie de conséquence, tant que dure une procédure le défendeur doit être traité comme s’il était innocent des faits dont on l’accuse. La formule ne doit toutefois par faire illusion ; dans la réalité la présomption d’innocence se présente comme une peau de chagrin, se rétrécissant chaque fois qu’un nouvel élément à charge vient alourdir le dossier de l’instruction. Il est irréaliste de réputer innocente une personne qui vient d’être déclarée coupable par une cour d’assises, au motif qu’elle a formé un pourvoi en cassation, et quoiqu’elle ait passé des aveux complets et circonstanciés.

- On peut également s’interroger sur la possibilité de concilier, d’une part la présomption d’innocence du prévenu, d’autre part l’égalité des armes entre le prévenu et celui qui fait figure de victime.

  • De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : Ce n’est pas l’accusation qui porte conviction, mais les preuves ; et jusqu’à ce qu’elles soient faites, admises et adoptées en justice, on ne doit pas présumer le crime.

  • Déclaration du 1er mai 1788 : Le premier de tous les principes, en matière criminelle, veut qu’un accusé, fût-il condamné à mort en première instance, soit toujours réputé innocent aux yeux de la loi jusqu’à ce que sa sentence soit confirmée en dernier ressort.

  • Kenny (Esquisse du droit criminel anglais) : La présomption d’innocence est si forte que, pour la renverser, il faut prouver la culpabilité de l’accusé de manière qu’aucun doute raisonnable ne puisse subsister.

  • Essaïd (La présomption d’innocence) : En France, comme dans les autres pays civilisés, il existe un principe qui est considéré comme l’une des garanties fondamentales de la liberté individuelle, principe d’après lequel tout individu est présumé innocent tant qu’un jugement définitif n’a pas reconnu sa culpabilité.

  • Conte (Pour en finir avec une présentation caricaturale de la présomption d’innocence, Gaz. Pal. 3 juin 1995) : L’innocence présumée n’est pas l’innocence : elle pèse beaucoup moins, et sa pertinence s’allègera sans cesse davantage, avec l’alourdissement éventuel des charges.

  • Convention européenne des droits de l’homme, art. 6 : Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

  • Cass.crim. 13 novembre 1996 (Gaz. Pal. 1997 I Chr. crim. 64) : La présomption d’innocence ne cesse qu’en cas de déclaration de culpabilité, prononcée par la juridiction de jugement et devenue irrévocable.

  • Thèse de doctorat (soutenue à l'Université de Metz en juillet 2004) de Juliette SYGUT, avocat au Barreau des Ardennes et chargée d'enseignements à la Faculté de droit et de science politique de Reims : "La présomption d’innocence : du principe au droit".




Présomption d'innocence des morts :

S'agissant de la présomption d'innocence des morts, les références sont minimes. L'idée est que la présomption d'innocence, en droit, a deux significations :
1) Il s'agit d'abord d'un principe de procédure, consacré dans de nombreux textes, traités et déclarations internationales. En pratique, elle impose au ministère public de prouver la culpabilité, le suspect n'ayant pas à démontrer qu'il est innocent.

Ensuite, la présomption d'innocence est ce que l'on appelle un "droit subjectif". 2) Il est consacré à l'article 9-1 du code civil, qui dispose que "chacun a droit au respect de la présomption d'innocence". Or, ce droit, qui fait partie du patrimoine juridique de toute personne, disparaît avec la mort. Il ne se transmet pas aux héritiers (un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 21 sept. 1993, publié à la RTD civ. 1994, p. 74, le rappelle). Un mort ne bénéficie donc plus du droit au respect de la présomption d'innocence, et par extension, de la présomption d'innocence tout court. C'est ce que je dis pour Chanal. Il n'est pas mort présumé innocent car, juridiquement, c'est faux. Ses héritiers, par exemple, ne pourraient pas valablement saisir un juge pour faire respecter son droit au respect de la présomtion d'innocence ; leur demande serait irrecevable.

Par ailleurs, il est absurde de faire jouer la présomption d'innocence pour un mort alors que le décès du suspect entraîne l'extinction de l'action publique (art. 6 du code de procédure pénale), ce que la présidente de la cour d'assises de la Marne a d'ailleurs constaté au lendemain du suicide de Chanal.

En ce qui concerne la documentation relative à la question de la présomption d'innocence des personnes décédées, on peut notamment citer l' arrêt de la cour d'appel de Paris qui statue sur cette question, ainsi qu'un commentaire du Professeur Jean Hauser.

Extrait de l'arrêt de la cour d'appel de Paris (21 septembre 1993)

Analyse aimablement communiquée par Fabrice Defferrard,
Maître de conférences à l’Université de Reims, Directeur de l’Institut d’Etudes Judiciaires.
Un point de vue plus complet a été publié dans le Recueil Dalloz du 11 novembre 2004 (Points de vue, n° 40, p. 2859).




 
 

 

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