Outreau, Mourmelon, Fourniret, Bodein : des situations différentes mais des dysfonctionnements similaires qui mettent en cause l’efficacité du service de la justice et la responsabilité des magistrats et de l’institution judiciaire.
Le jugement en appel d'Outreau, qui n'a aboutit qu'à une seule condamnation, celle de la justice elle-même, a ébranlé l'opinion publique française et entraîné la création d'une
commission d'enqûete parlementaire.
Si on veut vraiment en tirer les enseignements pour réformer la justice française, il faut tenir compte d’autres drames judiciaires récents comme les affaires
des disparus de Mourmelon, des disparues de l’Yonne ou les cas de multirécidivistes comme Fourniret et Bodein.
Les premières explications ou les pistes de réflexion avancées à Outreau posent des questions très similaires pour des situations qui, dans des contextes très différents
(dramatique erreur judiciaire collective à Outreau dans un cas, déni de justice et non-lieux erronés à Mourmelon), aboutissent néanmoins à des drames humains
que la justice n'a pas su éviter ou réparer. Au-delà explications simplificatrices (pression médiatique, émotion suscitée par l’affaire Dutroux, rôles des victimes),
les vrais raisons imposent de se pencher sur un chantier beaucoup plus complexe : c’est en réalité une double réflexion sur, d’une part, la responsabilité des magistrats
(et des experts qu’ils mandatent), et, d’autre part, l’évaluation de la qualité du fonctionnement judiciaire. Peut-on accepter que cette évaluation ne soit assurée
que par les pairs ?
Croit-on qu’une institution sera suffisamment transparente pour aller jusqu’au bout de cette évaluation ? Pourquoi la possibilité d'action récursoire dont dispose
le ministre de la justice n'a t-elle jamais utilisée contre des magistrats, qui par leur faute personnelle, ont engagé la responsabilité de l'Etat ?
Cette question n’est pas nouvelle. L’affaire d’Outreau, par la cascade de drames humains qu’elle a enclenchée, a servi de catalyseur. Des associations comme VIES
(Victimes en série) veulent vérifier que des réponses concrètes soient enfin apportées. Elles continueront à exercer leur rôle de vigilance lorsque la pression
médiatique retombera.
Il est indispensable que ce problème difficile soit traité en cessant d’opposer droit des victimes et droit de la défense. Nous défendons l’idée qu’il est possible
d’améliorer le droit des victimes sans remettre en cause la présomption d’innocence. Nous pensons également qu’on peut concilier indépendance de la justice avec
obligation de rendre des comptes sur la qualité. C’est seulement ainsi que le citoyen pourra retrouver confiance en sa justice.
Voir le courrier envoyé aux députés à la veille de la création de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau : [Format PDF, 106 KO]
Voir le point de vue du philosophe Yves Michaud publié le 24/02/2006 dans le journal Le Monde
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