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Deux faux départs en mai 2003 :
Le 13 et le 19 mai 2003, toutes les familles des victimes se sont rendues à Reims pour assister à deux
tentatives ratées de démarrage du procès de Pierre Chanal.
Elles avaient préparé soigneusement cet événement attendu de longue date : elles allaient prendre la parole à la fin de
la première semaine ou avaient également obtenu le soutien de témoins, amis des victimes.
C’est difficile à croire mais il fallait convaincre les jurés que les disparus étaient bien des victimes !
Le procès a finalement été reporté au mois d’octobre 2003, à la suite d’une tentative de suicide de Pierre Chanal, puis d’une
complication médicale (pneumopathie). Malgré ce qu’affirmait Maître Buffard, avocat de Pierre Chanal, les familles n’ont pas
cru à une véritable tentative de suicide mais plutôt à une manœuvre dilatoire pour retarder l’échéance du procès.
Ces deux courtes sessions, plus particulièrement la matinée du 19 octobre, ont été très difficiles à vivre, pour deux raisons :
- En premier lieu, il est difficile pour les familles des victimes d’entendre les argumentaires présentant Pierre Chanal
comme une victime, harcelée par les médias et les parties civiles : « La messe est dite », « les jurés
sont influencés par
les médias », « il n’y aura pas de procès équitable », etc.
C’est d’autant plus inacceptable qu’il semble que Pierre Chanal parvienne ainsi à ses fins, avec une volonté délibérée de se
soustraire à la justice.
Dans la lettre qu’il adresse avant l’ouverture du procès à la Présidente de la Cour d’Assises, Pierre Chanal inverse les rôles
et écrit ainsi :
« Tout au long de l’instruction de cette malheureuse affaire, de nombreuses décisions ont été
prises de façon inéquitable…
La pression des parties civiles et une médiatisation hors du commun ont eu un effet dévastateur dans ces décisions… Je clame mon
innocence et je refuse toujours d’être jugé pour ce que je n’ai pas fait. En conséquence, je ne me présenterai pas à votre
convocation devant la Cour d’Assises de la Marne le 13 mai 2003… Je méprise les familles pour tout le mal qu’elles m’ont fait.»
Il est assez surprenant de constater que la Justice semble impuissante à faire comparaître quelqu’un,
qui a été mis en accusation
mais qui refuse simplement de se présenter devant la Cour ! A l’avenir, cela risque d’être un « bon » exemple sur la conduite à
tenir par les futurs accusés. A ce moment, les avocats des familles commençaient à évoquer le risque que le procès
n’ait jamais lieu.
En fait de harcèlement, les parties civiles ont toujours simplement souhaité que les éléments du dossier d’instruction puissent
être présentés aux jurés le plus clairement possible et discutés de manière objective, que les témoins soient interrogés par les
différentes parties, dans l’intérêt de tous. En résumé, elles demandaient que le procès se déroule normalement, comme la loi le
prévoit. Après plus de 20 années d'angoisse, elles ne voyaient pas de raison d’attendre davantage. Tout le monde avait l’air
d’oublier qu’il s’agissait de l’assassinat de plusieurs jeunes adultes!
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La deuxième raison tient au décalage évident entre la souffrance absolue des victimes et les pratiques de la justice :
les
victimes passent au second plan, par rapport à l’action publique.
Au cours du procès le procureur Chaux, même s’il affirme comprendre la réaction de passion de certaines victimes, met en avant
uniquement les arguments suivants : d’une part, la justice doit s’exercer dans la sérénité et la dignité. D’autre part, la justice
doit protéger son image.
On a du mal à rester tranquillement assis sur le banc des parties civiles quand on entend cela et quand on constate que la justice
est immobilisée par ses propres procédures alors qu’il est avéré que l’accusé, comme il l’écrit dans sa lettre, refuse tout simplement
de comparaître.
Même si elles sont représentées par leurs avocats, les parties civiles n’ont eu à aucun moment la possibilité d’exprimer directement
leur désarroi devant cette impasse : tout s’est passé comme si elles n’étaient pas là et comme si la justice était strictement l’affaire
des professionnels. Est-ce bien cela qu’on appelle rendre la justice au nom du peuple français ?
Peu de temps avant le procès du mois d’octobre, le frère de Patrice DENIS écrit au garde des sceaux
avec les arguments suivants :
« Je suis convaincu que l’accusé continuera à faire tout ce qui est en son possible
pour empêcher un déroulement normal.
Les informations rapportées par les médias et les rapports d’experts récents confortent mon point de vue. La Cour d’Assises
de la Marne paraît déterminée à mener à bien le procès mais il semble également que la justice soit incapable
d’organiser les débats si l’état de santé de l’accusé ne permet pas de le tenir informé des délibérations. Sur la base des
conclusions des derniers rapports d’expertise, ma question est la suivante : est-ce que la démarche déterminée et
volontaire de provoquer une perte de conscience n’est pas assimilable à une fuite? Dans ce cas, ne peut-on pas organiser un procès
par contumace? »
Monsieur Dominique Perben n’a toujours pas trouvé le temps de répondre…
A posteriori, il y a deux situations précises, qui laissent un goût amer :
- Le moment où l’avocat général demande le maintien en détention de Pierre Chanal afin « d’avoir les garanties
nécessaires qu’il ne cherche pas à nouveau à se suicider ». Il affirme : « Il faut une surveillance
constante et une prise en charge par la Justice ».
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Une discussion houleuse entre les parents de Patrice Denis et le procureur général Charpenel, au cours de laquelle madame Denis
se révolte en affirmant que Pierre Chanal « cherchera à nouveau par tous les moyens à retarder son
procès » et qu’ « il est inutile
d’attendre le mois d’octobre, puisque qu’il ne présentera pas davantage devant la justice ».
Il y a à la fois un côté prémonitoire et également une preuve du décalage entre les ambitions affichées par la justice et la réalité
des résultats…
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