Quand l’armée et la justice inversent leurs rôles
Quand l’armée et la justice inversent leurs rôles, que la première fait tout pour être aveugle, et la seconde s’échine à être bornée,
cela donne le lamentable désastre de l’affaire Chanal. Les victimes du sombre triangle de Mourmelon ont été rejointes par leur présumé
assassin, et leur disparition restera à jamais un mystère.
La seule désertion - dont quelques galonnés obtus de la grande muette accusaient les disparus - qu’il faut bien constater aujourd’hui,
est uniquement celle de ces deux institutions, dont on se demandera longtemps pourquoi l’une et l’autre se sont enfermées à ce point
dans une attitude opposée aux principes de droiture et de courage qui, normalement, devraient être les leurs.
Le suicide de Pierre Chanal transforme l’accusé en seul vainqueur de cette douloureuse et pénible affaire, et cela est intolérable et
insupportable. En premier lieu pour les familles des victimes, bien sûr, mais aussi pour toute la société qui est en droit aujourd’hui
de dénoncer l’inadmissible défaillance de sa justice. Et on peut logiquement retourner contre celle-ci, ce principe qu’elle aime à
rappeler à ses justiciables : responsable, donc coupable. Les juges d’instruction qui ont failli hier, doivent demain rendre des comptes.
Il y va de l’honneur et la grandeur de la justice, sans quoi le respect nécessaire et fondé que lui doivent les citoyens deviendra
illégitime. L’Etat ne saurait faire l’économie de son propre procès. Il ne peut avoir de double langage, qui consisterait à prôner
la rémunération de ses fonctionnaires au mérite, et dans le même temps à leur permettre d’échapper à leurs responsabilités.
Cette culture nouvelle - et certes discutable - du résultat, va inévitablement de pair avec la notion de sanction.
Pour la justice aussi, il faut que la justice passe.