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L'Yonne Républicaine - Hubert BESSON - 17/10/2003

Sur les marches du palais : D'Auxerre à Mourmelon il y a des disparus qui manquent à la pelle
Peut-on établir une comparaison entre l'affaire des disparues de l'Yonne et celle des disparus de Mourmelon qui vient de connaître son épilogue ? Non, si l'on prend d'abord en compte la personnalité des victimes.
Dans l'Yonne, ce sont des jeunes filles de la DDASS, abandonnées par tous, qui auraient été mises à mort par Emile Louis. Ce dernier, après avoir avoué, s'est rétracté.
Pierre Chanal, lui, n'a jamais avoué. Ni les meurtres des trois jeunes hommes pour lesquels il devait comparaître devant la cour d'assises, ni ceux des cinq autres disparus, eux aussi militaires appelés. Mis en examen pour homicide volontaire, l'adjudant-chef de carrière a bénéficié d'un non-lieu pour ces cinq là.
Selon les enquêteurs, Chanal aurait fait passer de vie à trépas les huit militaires. Mais pour cinq d'entre eux, ils n'ont pu réunir les charges suffisantes pour établir sa culpabilité.
On ne sait pas aujourd'hui si Emile Louis sera renvoyé devant la cour d'assises de l'Yonne pour deux ou sept assassinats. Ce qui est sûr, c'est que les enquêteurs ont extrait du sous-sol de l'Yonne deux squelettes, et non sept, bien que l'ancien chauffeur de car ait désigné les sept endroits où il était censé avoir enterré le corps de ses victimes. A l'instar de Pierre Chanal, qui a mis fin à ses jours peu de temps après l'ouverture de son procès, Emile Louis aura-t-il la possibilité de taire les raisons pour lesquelles cinq des disparues ont, semble-t-il, trouvé la mort ? Cette hypothèse n'est pas à exclure. La similitude entre les deux affaires ne s'arrête pas là. Si les personnalités des deux accusés sont certes très différentes, elles présentent néanmoins un point commun.
Emile Louis comme Pierre Chanal ont été soupçonnés très tardivement, tant leur image était excellente. Pierre Chanal, un militaire exemplaire, et Emile Louis, serviable, bonhomme, attentionné, et d'une convivialité qui ne se démentissait jamais : qui aurait pu pensé que ces deux hommes étaient capables de commettre les atrocités dont on les accuse ?


L'armée a joué le rôle d'étouffoir...
Entre ces deux affaires judiciaires hors du commun, un point commun essentiel : l'institution judiciaire y a perdu pied, que ce soit à Auxerre, ou dans la Marne. Si le rusé Emile Louis a réussi à passer au travers des mailles du filet durant près d'un quart de siècle, ce n'est pas seulement en raison de sa capacité à agir dans l'ombre. C'est aussi et surtout parce que les institutions de la République ont failli.
Qu'il s'agisse de la DDASS, organisme de tutelle des jeunes femmes disparues, de la gendarmerie où seul l'adjudant-chef Jambert a rempli correctement sa mission, ou bien encore au sein de la justice où des négligences n'ont pas permis de poursuivre les investigations que ce gendarme avait entrepris, les institutions ont chancelé. Incapables de protéger les plus faibles, elles les ont au contraire laissés à l'abandon.
A Mourmelon, c'est l'armée qui a joué le rôle d'étouffoir dans l'affaire des disparus. En désignant ces derniers comme déserteurs, alors que tout dans la vie civile de certains d'entre eux montrait qu'il n'avait pas le moindre souhait de quitter brutalement leur vie militaire, la Grande Muette a tu l'essentiel. Ses dirigeants n'ont pas voulu envisagé que l'un des leurs pouvait être à l'origine des disparitions.
Quant des muets jouent la politique de l'autruche, rien n'est alors très facile pour les enquêtreurs. Au terme d'interminables années de travail, ils ont fini par coincer Chanal. Qui s'est finalement suicidé, dans des conditions plus que suspectes. Les familles des victimes en sont pour leurs frais. Jamais en effet justice ne leur sera rendue. Peut-être en ira-t-il autrement pour celles qui attendent avec impatience la comparution d'Emile Louis devant la cour d'assises de l'Yonne. Le sexagénaire devrait être là, et bien là. Du moins, en principe...


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